II : Quel rôle jouent les grandes surfaces dans la promotion des circuits courts ?

Le Sud Yvelines compte 8 supérettes, 25 supermarchés et Rambouillet héberge les deux seuls hypermarchés du Sud Yvelines, à savoir Carrefour et Leclerc. Si l’on ajoute que l’ensemble de ces centres de distribution représente, selon l’enquête du PAT, 80% du mode d’approvisionnement des consommateurs, on mesure le rôle que ces grandes surfaces jouent ou peuvent jouer dans la promotion du circuit court.

L’enseigne rambolitaine Leclerc est franchisée. Le propriétaire du magasin dispose donc d’une plus grande liberté dans le choix des fournisseurs et notamment des producteurs locaux.

Ça fait 15 ans qu’il a noué des partenariats avec des producteurs yvelinois sur la base d’une relation économiquement équilibrée. Le prix de vente du produit est fixé par le producteur. Le magasin a un rôle de conseil pour trouver, si nécessaire, un équilibre entre le prix demandé par le producteur et un prix acceptable par le client. C’est, de son point de vue, la base d’un partenariat durable.

L’identité des producteurs locaux et la provenance du produit sont affichées pour identifier et responsabiliser le producteur.

Pour autant, les productions locales cohabitent avec des produits moins nobles mais aussi moins chers pour respecter une diversité de motivations. Aux uns le prix comme facteur premier plus adapté à des budgets modestes et pour certains autres, la qualité d’un produit du terroir proche comme motivation d’achat.

Au fil du temps, il a constitué un réseau de producteurs locaux couvrant une large gamme de produits. En voici quelques-uns sans exhaustivité :

  • Légumes : des producteurs du département 77 et, ponctuellement, la production maraîchère de l’association Confiance Pierre Boulenger,

  • Confitures et soupes : l’association d’insertion Bon et Rebond réalise des confitures et des soupes avec des légumes et fruits faiblement périmés cédés gratuitement par les grandes surfaces. La transformation est réalisée par des chômeurs de longue durée.

  • Viande : l’élevage de bovins partagé entre la ferme de la Petite Hogue à Auffargis et Leclerc ; l’agneau avec la Bergerie Nationale de Rambouillet et Baptiste Gogue à Orcemont

  • Volailles : Christophe Robin à Sonchamp, et ferme du Lureau à Toury,

  • Boulangerie – Biscuiterie : Valérie et Frédéric Aubert à Chartres ; la Société ERTE à Auffargis,

  • Pâtes et œufs :  Earl Vassout à Gambais ; Nicolas Chaussier à Prunay en Yvelines,

  • Fromage : Ferme de Tremblay à Boissière Ecoles,

  • Torréfaction : Arlos’s à Gazeran et Café factorerie à Houdan,

  • Bière : brasserie rambolitaine,

S’agissant des producteurs locaux, Leclerc observe sur la durée :

  • une densification et une diversification des productions locales ainsi qu’une amélioration de la qualité des produits proposés,

  • un intérêt grandissant de la clientèle pour les produits locaux plus authentiques fussent-ils à un prix plus élevé,

  • un besoin de renforcer encore l’affichage des producteurs locaux vis-à-vis des consommateurs.

En résumé, le circuit court local qui est porté par un intérêt croissant de la clientèle cohabite avec le circuit long meilleur marché, chacun ayant sa clientèle.

Leclerc Rambouillet et avant, l’enseigne Intermarché, revendique d’avoir été précurseur d’une véritable offre diversifiée et de qualité en circuit court.

Il estime participer ainsi à la promotion de la qualité mais aussi, indirectement au maintien d’un tissu d’exploitations familiales dans les Yvelines et donc de l’emploi dans le département.

 Le magasin Carrefour de Rambouillet a un positionnement marketing qui consiste à proposer, à la fois, des produits à prix modérés, et lorsque c’est possible, des produits du terroir synonymes de qualité à un prix plus élevé.

Pour ces derniers, Carrefour national a négocié 45 accords avec de gros producteurs régionaux dont la taille permet qu’ils alimentent une chaîne de magasins. Ils sont géographiquement éloignés du consommateur rambolitain mais offrent un mixte avantageux : des prix maîtrisés et à une   production régionale importante avec une recherche de qualité.

Depuis 2021 Carrefour va plus loin en déléguant à chaque grande surface une autonomie pour négocier en direct des accords avec des producteurs de son environnement immédiat, souvent des exploitations familiales à production limitée mais avec une attention permanente à la qualité du produit. En associant ainsi dans une même proximité, le producteur, le vendeur et l’acheteur, Carrefour pratique sur ces produits un circuit court.

Cette évolution vers l’ultra local pour compléter le régional et le national, s’accompagne d’une politique de rémunération différente. C’est le producteur qui détermine avec le Carrefour local son prix de vente, la saisonnalité, les volumes de production et la logistique de livraison. Le produit est vendu dans le magasin sous son nom. Il engage sa renommée. De son côté Carrefour réduit les délais de paiement des factures à 48 heures.

Ce mouvement vers l’ultra local est pour l’instant limité à 5 accords ; mais d’autres doivent suivre compte tenu du très bon accueil réservé par la clientèle à ces produits.

Ce recours aux producteurs en ultra local se conçoit comme un complément. Carrefour peut alterner dans l’année pour un même produit une provenance internationale, nationale, locale voire ultra locale.

Pour la responsable achat de Carrefour Rambouillet, cette relation directe avec le producteur est chronophage mais très motivante et riche de relations humaines. Cela ajoute du sens à son travail.

Reste encore à leurs yeux une question imparfaitement résolue, celle d’un meilleur affichage de l’identité et la provenance du producteur local ou ultra local.

On observera, ironie de l’histoire, que le souci aujourd’hui de personnaliser davantage un produit authentique va à l’inverse de la démarche engagée dans le passé par Carrefour avec ses produits libres.

 L’enseigne Lidl de Rambouillet a une politique marketing qui est d’abord basée sur l’attractivité des prix : Être moins cher que les autres. Depuis quelque temps s’ajoute une volonté de mettre en avant dans l’alimentaire leurs partenariats avec des producteurs locaux.

Dans les faits la réalité semble plus nuancée. En effet, la politique d’approvisionnement s’organise sur deux niveaux :

Au plan national la centrale d’achat négocie avec les grandes marques les produits transformés, voire industrialisés, qui seront vendus dans l’ensemble des magasins Lidl du territoire national.

Pour les vivres frais ou légèrement transformés, c’est aux directions régionales de proposer à la centrale d’achat un référencement de producteurs régionaux. Ils doivent satisfaire trois critères : un prix attractif pour être en cohérence avec la politique de la marque, un mode de production répondant aux critères de qualité définis par Lidl et une production suffisante pour approvisionner plusieurs magasins de la région.

Le magasin n’affiche pas le nom du producteur et la provenance du produit car ils peuvent être approvisionnés par plusieurs fournisseurs régionaux.

En résumé on ne peut pas véritablement parler de circuit court ; la taille de la région éloigne davantage le consommateur du lieu de production. L’authenticité du produit est inexistante dans la mesure où le produit n’est pas personnalisé. Les producteurs yvelinois ne sont pas ou très peu sollicités et donc sans impact sur l’emploi local.