IV : Des évènements de rupture comme la pandémie récente ont-ils un impact sur les circuits courts ?

La crise sanitaire liée au covid-19 a souligné la nécessité ressentie par le consommateur de relocaliser sa consommation pour un accès à une alimentation saine, sûre et durable.

Corinne EBSTEIN, propriétaire de la ferme de la Villeneuve à Rambouillet, entreprise d’élevage et de transformation à la ferme, décrit cette période en faisant une comparaison forte avec ce que lui racontait sa mère des comportements en temps d’occupation. Pendant le confinement, de longues files d’attente s’étalaient sur des dizaines de mètres devant la ferme. « La peur de mourir de faim » et la volonté de stocker étaient omniprésentes. Il fallait, autoritairement, répartir les denrées disponibles entre les clients en fonction de la composition des familles.

Le commerce a été boosté durant cette période. Les clients acceptaient même les fruits tachés !

Certes, la crise sanitaire a fait ressortir des égoïsmes et des mentalités de « chacun pour soi » (« nous étions là pour eux, à chercher des solutions pour les satisfaire au maximum, malgré la fatigue, et ils nous ont oubliés depuis », souligne avec une certaine amertume Corinne, même si elle avait tout à fait conscience du côté éphémère de ce phénomène.).

Malgré tout, environ 20% (chiffre confirmé par d’autres producteurs de la région) de ces nouveaux consommateurs sont restés clients de la ferme.

Il y a un besoin croissant de services autour des produits eux-mêmes : présentation de nouveaux légumes, souvent tombés en désuétude, fourniture de recettes, …

Comme l’affirme Corinne, il y a une véritable prise de conscience (« nous avons remué des consciences »). Ces nouveaux consommateurs manifestent une vraie fidélité à leur producteur qui échange, qui explique …Et cette connaissance interpersonnelle est considérée comme une garantie de qualité des produits, souvent supérieure à celle d’une marque.

Les consommateurs, jeunes ou moins jeunes, découvrent le plaisir de se nourrir autrement, de prendre le temps de cuisiner.

Des transformations sociétales : désirs de changements de conduites alimentaires, individualisation croissante des rapports humains, sensibilité grandissante aux questions de santé et de bien-être, responsabilisation des consommateurs vis-à-vis des conséquences de leurs pratiques alimentaires, se traduisent, peut-être, par une volonté de reprise en main par chacun de son alimentation et par un besoin accru de recherche de proximité.

Mais, l’engouement pour « les jardins familiaux », autrefois « jardins ouvriers », (avec plus de 200 adhérents de toutes catégories sociales à Rambouillet) n’est-il pas un indicateur intéressant de cette tendance ?